24 Janvier 2020
En souvenir de Lady Marianne à qui nous pensons bien fort et désormais sur Le Blog de Lilou...
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« L'Hiver, ce sont aussi les sports de glisse », voici le thème proposé cette semaine par Fardoise.
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Je suis ravie, ce samedi, de vous présenter un tableau que j'aime énormément et qui appartient, depuis de nombreuses années, à mon musée imaginaire. Il est signé Nicolas Lancret (1690-1743) et se trouvait parmi les œuvres illustrant ma Thèse de Doctorat en Histoire de l'Art.
L'Hiver est élégamment représenté à travers l'émanation de la Fête Galante, un genre de la Peinture tout aussi philosophique que charmant, initié par l'artiste Régence Jean-Antoine Watteau (1684-1721). Nicolas Lancret fut lui aussi spécialisé dans la Fête Galante.
En Hiver, les sentiments ne se refroidissent pas ! Ainsi, l'on voit au premier plan de l'image, auprès d'un homme enveloppé dans un manteau rouge évoquant le Désir et la possibilité de sa voluptueuse expression, une jeune femme tombée en patinant qui est « secourue » par un jeune homme avenant. Le plaisir de patiner est ici le prétexte à une rencontre amoureuse.
L'Hiver appartient à une série de quatre toiles célébrant les Saisons, peintes en 1738, pour agrémenter le Cabinet du Roi Louis XV au Château de La Muette, superbe bâtiment hélas détruit en 1793 mais les Saisons ont été préservées. L'Hiver est exposé au Louvre dans la Salle 37, au deuxième étage de l'aile Sully sauf quand des musées sollicitent sa présence en leur sein pour des expositions thématiques.
L'espace décrit est truffé de séduisants détails. Vous remarquerez, outre les personnages joliment apprêtés qui devisent au bord du bassin gelé ou qui sont sur le point de se livrer à une activité de patinage, la magnifique Fontaine au Triton qui tient, de part et d'autre de son corps musculeux, un dauphin et les naïades sensuelles soutenant la vasque remplie de stalactites et de glaçons.
Le triton, les deux dauphins et les nymphes aquatiques sont particulièrement réussis ! Quant à la fontaine, une fontaine à congélations, elle se fond dans un paysage d'hiver dont les profondeurs, lovées dans une talentueuse interprétation de sfumato*, sont de nature quasiment fantasmagorique.
*Sfumato : technique picturale élaborée par Léonard de Vinci à partir de la superposition de plusieurs couches de peinture étalées avec une grande subtilité. Cette action donne aux contours d’un sujet un aspect évanescent, fascinant, onirique.Le nom dérive de l’italien « fumare » et signifie « vaporeux ».
Nicolas Lancret hésita, au début de sa carrière, entre la peinture d'histoire et la peinture galante puis il se décida et devint l'élève du maître Antoine Watteau, le peintre qui m'a donné envie, avec François Boucher (1703-1770) et Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), de me lancer dans de hautes études universitaires en Histoire de l'Art. Ces peintres là ont été mes inspirateurs quand je n'étais qu'une enfant et quand j'ai eu mon bac, ce sont eux, tout naturellement, qui m'ont guidée vers la fac.
Nicolas Lancret a également pour moi beaucoup d'importance. J'ai passé des heures et des heures et des heures... au Louvre à m'imprégner des atmosphères enivrantes de ses tableaux. Je ne saurais les compter !
Je disais que Nicolas Lancret avait été l'élève de Watteau. Il fut donc nourri à la source même de l'idée de Fête Galante...
Très jeune, il étudia avec son frère aîné, François-Joseph Lancret (1686-1752), qui exerçait comme maître graveur puis il fut admis chez Pierre Dulin (1669-1748) qui était professeur de Peinture et de Gravure en Creux à l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture. Il entra ensuite chez Claude Gillot (1673-1722), esprit brillant, à la fois peintre, graveur, illustrateur et décorateur de théâtre qui fut le maître de Watteau.
Quelques temps plus tard, Nicolas Lancret rejoignit l'atelier de Watteau et la postérité le reconnut comme un élève majeur du maître de la Fête Galante.
La Nature, quand on explore ce genre, y est très importante aussi Watteau conseilla-t-il à Nicolas Lancret de se rendre dans les espaces bucoliques et boisés situés autour de Paris et d'y apprendre à dessiner le paysage. Ainsi, quand il serait de retour à l'atelier, il pourrait y insérer des personnages.
Doté d'un fort caractère, (il s'était fait suspendre provisoirement de l'Académie pour indiscipline), Nicolas Lancret devint un étudiant très assidu. Il écouta ce que lui disait Watteau et parcourut aussi souvent que possible les bois, les clairières et les champs. Il travailla sans relâche au fil des saisons et fut reçu à l'Académie en 1719 avec une peinture de Fête Galante plébiscitée par ses examinateurs. Sa carrière fut fructueuse. Il reçut de nombreuses commandes officielles et son talent fut reconnu par ses contemporains. Le roi Frédéric II de Prusse fut notamment l'un de ses meilleurs clients.
Nicolas Lancret peignit beaucoup de séries. Narrateur habile, il mit en scène, en suivant des codes élégants et galants, les Saisons, les Éléments, les Heures du Jour et de la Nuit, les Âges de la Vie... Il aima aussi représenter l'enfance à travers de délicieuses saynètes et illustrer plusieurs classiques de la Littérature comme les œuvres de Molière et les Contes de La Fontaine (entre autres magnifiques réalisations...). Passionné de Théâtre, il réalisa de nombreux portraits de Comédiennes et de Comédiens.
Dans la Fête Galante, la Nature devient le témoin des sentiments d'amour naissants ou des flammes déjà vives... A suivre dans d'autres billets que je consacrerai à ce thème...
En attendant, pour le plaisir, voici les autres tableaux de la série dans laquelle se love L'Hiver...
Merci de votre fidélité, chers Aminautes, prenez bien soin de vous surtout... Amitiés et gros bisous !