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23 Juin 2018
Rêvons à travers les territoires des Roussalki, Ondines russes aux longs cheveux qui, à la différence des Sirènes des différents folklores et anciennes traditions, n'ont pas de queue de poisson.
L'élément aquatique est leur demeure mais on les rencontre aussi près de certains arbres sacrés. Elles évoluent dans les champs et se glissent, aux changements de saisons, à la nouvelle ou à la pleine lune, dans les jardins. Elles sont charmeuses, envoûteuses, ensorceleuses et souvent parées de fleurs ou de perles et de coquillages quand elles émergent des moires de l'eau.
Leurs voix superbes enveloppent l'imprudent dans un réseau de mélodies magiques et l'attirent dans une nasse aquatique dont il ne sortira pas vivant. A moins qu'amoureuses, elles ne décident de transformer un humain en un amant des eaux.
A l'origine, les Roussalki sont des jeunes filles maudites par leurs parents. Des jeunes filles qui se sont égarées dans la forêt ou sont tombées amoureuses, ont perdu leur virginité avant le mariage, ont refusé d'obéir à une injonction familiale, se sont suicidées ou ont eu un accident. Elles ont aussi pu tomber dans l'eau en se promenant. Elles sont redoutées et peuvent susciter l'effroi mais elles sont également considérées comme les gardiennes des récoltes et appelées « celles qui apportent généreusement la pluie ». A la période où poussent les céréales, il est nécessaire de s'attirer leurs bonnes grâces et au moment des récoltes, on leur dédie des chants, des danses et des jeux rituels.
Il existe une « Semaine des Roussalki » pendant laquelle il est indispensable de respecter les règles suivantes :
Ne pas tisser, coudre ou filer
Ne pas aller ramasser du bois dans la forêt
Ne pas travailler dans les potagers et les champs
Ne pas peindre dans et autour de sa demeure...
Il s'agit d'un temps entre les temps...
On laisse chaque soir un repas sur la table pour ces fascinants esprits de l'eau, près d'une bougie allumée et on accroche de jolis vêtements sur les clôtures entourant les maisons. Comme les Roussalki sont nues, elles apprécient de se vêtir avant d'évoluer sous la lune et de parcourir bois et champs.
Dans les villages les plus cossus, on leur offre un cheval décoré de fleurs sauvages qui représente la course bénéfique du soleil au-dessus de la terre et de l'océan.
Puis, la semaine précédant le Solstice d'Été, quand on célèbre la grande fête de Koupalo, on leur fait des adieux pleins de joie, en attendant la prochaine « Semaine des Roussalki ».
Dans le folklore slave, Koupalo est la divinité tutélaire du Solstice d'Été. Dieu soleil qui sombre au crépuscule dans les eaux et renaît à l'aube, investi de la toute puissance céleste. Dieu de Lumière qui traverse des contrées aquatiques imprégnées de magie et combat différents périls, à l'instar du dieu Râ des Égyptiens.
Koupalo est un dieu très séduisant qui règne sur l'été, la végétation et les fleurs. Il est fêté le 24 juin et pendant « sa » nuit, on dit que le soleil « bondit et danse ». Koupalo règne sur les amours débridées. Les participants à la fête se livrent à des baignades nocturnes et font l'amour dans les bois et les champs pour s'accorder aux énergies fertiles de la terre. Des couronnes de fleurs flottent sur l'eau des lacs, des mares et des étangs. Les couples sont brûlants. De nombreux enfants sont conçus dans cet espace temps et le dieu reçoit toujours, à notre époque « moderne », des offrandes de miel, de noisettes, de noix, de pain et de pirojki, des petits pains briochés farcis.
Territoire de liesse et de plaisirs, la nuit de Koupalo a toujours été célébrée dans les pays slaves, au grand dam de l'Église et chaque année, elle continue d'être très attendue.
Koupalo a une soeur amante appelée Kostroma, à la fois « jeune fille de printemps » et « mère des épis ». Dans les villages, on honorait à cette période aussi bien Kostroma que les Roussalki.
Kostroma veille sur le pain, matière sacrée, et sur la fertilité de la terre. Elle évolue, vêtue de blanc et brandit une branche de chêne réputée donner vie à tout ce qu'elle touche. Puissance féminine profondément vénérée, à l'instar de son frère, le Soleil, elle est à la fois déesse et naïade.
Lune féconde, entité du printemps que l'on honore grâce à des chants et des danses pendant la fête des Sviatki Verts (Zélionyïé Sviatki). Elle est aussi protectrice de la virilité des jeunes hommes que l'on célébrait en rompant une miche de pain au-dessus de leur tête.
Koupalo et Kostroma sont un couple particulièrement célébré au moment de la Saint-Jean-Baptiste, le 24 juin. L'eau revêt un caractère des plus magiques à cette période de l'année et les Roussalki sont de séduisantes intermédiaires entre les territoires humains et le monde des divinités.
Dans de nombreuses légendes, elles sont réputées être les émissaires des puissances divines.
Outre les amours fécondes de Kostroma et de Koupalo et la marche fertile des Roussalki, on honore, autour des brasiers sacrés, Semargl et Koupalnitsa.
Koupalnitsa est la déesse de la Nuit, mère des jumeaux Kostroma et Koupalo.
Dieu mystérieux, fils du dieu originel Svarog, Semargl unit les pouvoirs de la Lune et du Feu. Il protège le foyer, la terre profonde, les racines, les graines, les pousses. Il apparaît sous la forme d'un chien ailé à la période des semailles.
Dieu intermédiaire entre les puissances terrestres et les puissances célestes, Semargl est un guérisseur doté, sous sa forme humaine, d'une épée de feu. Le jour de l'Équinoxe d'Automne, il fait l'amour avec Koupalnitsa et neuf mois plus tard, celle-ci met au monde Koupalo et Kostroma qui participent du même folklore que les Roussalki, vénérées en ce temps de la Saint-Jean...
J'aime à ressentir ces « présences mythologiques » lorsque j'écris, à songer que les éléments qui nous entourent sont gorgés de vie, une vie qui mûrit au chant des saisons, territoire d'inspiration magique...
Je vous souhaite un délicieux été et vous remercie de vos attentions amicales, gros bisous et tendres pensées !