Littérature, histoire de l'art, inspiration qui file au vent, photographie, poésie de l'instant...
3 Mars 2019
Promenade à travers un univers féminin, ardent, rêveur et gorgé d'élégances, celui des tableaux du peintre américain John White Alexander (1856-1915)...
John White Alexander naquit en 1856 dans la ville d'Allegheny, en Pennsylvanie (une ville qui fut annexée à Pittsburgh en 1907). Orphelin dès son plus jeune âge, il fut élevé par ses grands-parent et dut travailler comme télégraphiste, dès l'âge de douze ans. Ce fut à cette époque qu'il manifesta des aptitudes pour le dessin.
En 1875, âgé de 18 ans, il s'installa à New York et débuta comme illustrateur et caricaturiste politique dans l'hebdomadaire des frères Harper intitulé le Harper's Weekly.
Le Harper's Weekly fut, le 14 janvier 1893, le premier journal américain à publier une aventure de Sherlock Holmes. Il s'agissait de La Boîte en carton.
Au Harper's Weekly, John White Alexander rencontra de nombreux écrivains et de prestigieux illustrateurs comme Howard Pyle (1853-1911), Joseph Pennell (1857-1926) et Edwin Austin Abbey (1852-1911). Après deux années d'apprentissage intensif, il quitta New York pour découvrir l'Europe.
Howard Pyle est l'auteur d'un Classique de la Littérature Américaine : The Merry Adventures of Robin Hood, paru en 1883. Il a illustré de nombreux textes et romans associés au Moyen-Âge et plus particulièrement à la Légende du Roi Arthur et des Chevaliers de la Table Ronde.
John White Alexander à l'âge de 23 ans (1879) et à l'âge de 27 ans (1883). Photographies réalisées par Napoléon Sarony, issues des Archives du Smithsonian American Art Museum à Washington aux États-Unis.
Après un bref séjour à Paris, il se rendit en Allemagne où il devint l'élève du peintre académique hongrois Gyula Benczúr (1844-1920), à la Kunstakademie de Munich.
Il rejoignit ensuite en Bavière (dans le village de Polling) le cercle artistique de Frank Duveneck (1848-1919), peintre américain d'origine allemande et il rencontra des artistes prestigieux comme le peintre William Merritt Chase (1849-1916) et le romancier Henry James (1843-1916).
Frank Duveneck (1848-1919) était un portraitiste et un professeur d'université. Passionné par une multitude de styles, il étudia et enseigna l'Impressionnisme, le Réalisme, l'Orientalisme et ce qui allait devenir l'Art moderne.
William Merritt Chase (1849-1916), peintre Impressionniste américain fut l'un des membres des Ten American Painters, une association de dix peintres américains qui démissionnèrent de la Société des Artistes de leur temps afin de protester contre le mercantilisme de l'art. J'ai prévu de leur consacrer un billet...
Henry James (1843-1916) est un fascinant écrivain que j'ai pris un immense plaisir à découvrir à l'Université. J'ai adoré lire et étudier ses « Ghost Tales » et notamment Le Tour d'Écrou, publié en 1898.
Quelques temps après son apprentissage auprès de Frank Duveneck, John White Alexander découvrit les splendeurs de Venise et le travail remarquable du peintre et graveur James Abbott Mac Neil Whistler (1834-1903) dont les créations oscillaient entre Réalisme, Symbolisme et Impressionnisme.
L'inspiration de John White Alexander fut à ce moment là nourrie par l'extraordinaire lumière émanant du ciel de Venise, par les formes changeantes et les mystérieux reflets de l'eau. Fasciné par les effets de matière et les ruissellements dorés de la lumière à la surface des tissus et par des maîtres comme Diego Velasquez (1599-1660) et Frans Hals (1580-1666), il poursuivit son apprentissage à Florence, à Paris et aux Pays-Bas.
Il regagna les États-Unis en 1881 pour enseigner le dessin à l'Université de Princeton. Ses portraits de jeunes femmes aux robes magnifiques suscitèrent l'engouement des critiques et du public.
Il bénéficia d'une solide renommée fondée sur le charme et la profondeur psychologique émanant des sujets qu'il représentait. Il multiplia les portraits féminins et les portraits d'intellectuels célèbres comme celui de John Burroughs (1837-1921), un naturaliste et un essayiste particulièrement apprécié.
Le portrait du poète Walt Whitman (1819-1892), réalisé en 1889, constitue un moment majeur dans son art.
Walt Whitman (1819-1892) fut l'un des maîtres de la poésie américaine du XIXe siècle et l'auteur d'un sublime recueil appelé Leaves of Grass (Feuilles d'Herbes).
Je reviendrai dans quelques temps sur ce thème important dans l'Histoire de l'Art, un thème issu d'une nouvelle du Décaméron de Boccace, un recueil de cent nouvelles qui furent écrites, en hommage au poète Dante Alighieri, en langue italienne, entre 1349 et 1353.
Isabella, héroïne Préraphaélite, a conservé la tête de son amant Lorenzo, tué par ses frères, dans un pot de basilic. Elle chérit ce basilic de toutes ses forces, le nourrissant de ses larmes et de suc de rose, entre autres nobles substances, jusqu'à ce qu'épuisée, elle finisse par trouver la mort...
John White Alexander vécut à Paris de 1890 à 1901. Ses oeuvres connurent un immense succès au Salon de 1893 et à l'Exposition Internationale Carnegie. Il fut élu membre de la Société Nationale des Beaux-Arts et fréquenta des artistes comme Auguste Rodin, Octave Mirbeau, Henry James ou encore Oscar Wilde.
Membre émérite de l'Académie Américaine des Arts et des Lettres, il reçut la Médaille d'Or à l'Exposition Universelle de Paris en 1900 et à l'Exposition Universelle de Saint-Louis en 1904. Il devint Chevalier de la Légion d'Honneur en 1901.
Entre 1909 et 1915, il fut le Président de la Société Nationale des Peintres muraux et de l'Académie Nationale de Design. Ses oeuvres sont exposées dans nombre de musées prestigieux (Metropolitan Museum of Art, Brooklyn Art Museum, Los Angeles County Museum of Art, Musée des Beaux-Arts de Boston, Institut Butler, Bibliothèque du Congrès à Washington, Musée d'Art de l'Institut Carnegie à Pittsburgh...)
Profondément marqué par l'intensité psychologique des rêveries et des pensées féminines, l'art de John White Alexander honore la beauté des matières, la vibration de la couleur et la gracilité des lignes. C'est un voyage étoffé d'émotions très subtiles...
Je m'éclipse en vous souhaitant de douces rêveries de Mars...