Littérature, histoire de l'art, inspiration qui file au vent, photographie, poésie de l'instant...
28 Janvier 2019
Il gèle et des arbres pâlis de givre clair
Montent au loin, ainsi que des faisceaux de lune ;
Au ciel purifié, aucun nuage ; aucune
Tache sur l’infini silencieux de l’air.
Le fleuve où la lueur des astres se réfracte
Semble dallé d’acier et maçonné d’argent ;
Seule une barque est là, qui veille et qui attend,
Les deux avirons pris dans la glace compacte.
Quel ange ou quel héros les empoignant soudain
Dispersera ce vaste hiver à coups de rames
Et conduira la barque en un pays de flammes
Vers les océans d’or des paradis lointains ?
Ou bien doit-elle attendre à tout jamais son maître,
Prisonnière du froid et du grand minuit blanc,
Tandis que des oiseaux libres et flagellant
Les vents, volent, là-haut, vers les printemps à naître ?
Émile Verhaeren, Les bords de la route, 1895
Promenade à travers les mots d'un poète ardent, Émile Verhaeren (1855-1916), artiste belge flamand d'expression française, né dans le petit village de Saint-Amand (Sint-Amands), sur le fleuve Escaut, à la lisière de la Province d'Anvers.
Passionné par les grandes questions sociales de son temps, il aima profondément le Naturalisme et fut l'un des maîtres flamboyants du Symbolisme en littérature. Soucieux des gens et imprégné par les idées de l'Anarchisme, il publia un grand nombre d'oeuvres dans la presse Libertaire.
Portrait d'Émile Verhaeren par Théo Van Rysselberghe (1862-1926), artiste Post-Impressionniste, Divisionniste et Pointilliste.
Issu d'un milieu aisé, (ses parents, Henri Verhaeren et Adélaïde De Bock, étaient commerçants dans le domaine du textile), Émile Verhaeren décrivit avec un mélange de Réalisme et de Lyrisme les atmosphères de la grande ville et son opposé tout aussi envoûtant, la campagne.
Esprit brillant, il fut poète, dramaturge, critique d'art et auteur de récits dans la veine symboliste.
Lié avec des artistes issus du Symbolisme et du Néo-Impressionnisme, il apparut comme l'un des « découvreurs » des peintres Fernand Khnopff (1858-1921) et James Ensor (1860-1949).
Une magnifique exposition est actuellement consacrée à Fernand Khnopff au Petit-Palais, à Paris : Fernand Khnopff, le maître de l'énigme. J'ai prévu de consacrer un billet à cet artiste car j'apprécie énormément son art mystérieux et ses personnages : Ligeia, Hypnos... Dans quelques temps...
Émile Verhaeren nourrit des liens privilégiés avec de nombreux peintres (Paul Signac, Maximilien Luce, Dario de Regoyos, Willy Schlobach, William Degouve de Nuncques, Théo Van Rysselberghe...) et des écrivains (André Gide, Stéphane Mallarmé, Maurice Maeterlinck, Camille Lemonnier, Albert Mockel...). Il fut, dans les années 1883-1899, l'un des principaux rédacteurs de la revue L’Art Moderne.
Une femme compta particulièrement dans sa vie : il s'agissait de Marthe Massin (1860-1931), une artiste originaire de Liège. Quand Émile Verhaeren la rencontra, il pensait rester vieux garçon mais il eut un coup de foudre et sentit que l'influence de Marthe sur sa vie artistique ne pouvait que lui être bénéfique. Ils se marièrent en août 1891, n'eurent pas d'enfant et s'aimèrent jusqu'à la fin de leurs jours.
Pendant la Première Guerre Mondiale, Émile Verhaeren composa des poèmes pacifistes, s'insurgeant contre la folie des hommes et il dut se réfugier en Angleterre où il lutta à sa manière en écrivant Les Anthologies Lyriques.
Anthologies Lyriques constituées de La Belgique sanglante, Parmi les Cendres et Les Ailes rouges de la Guerre.
De toutes ses forces, il essaya, au cours de conférences à succès, de renforcer les liens d'amitié entre la Belgique, la France et l'Angleterre et c'est dans ce contexte qu'il connut une fin tragique...
Venu donner une conférence à Rouen, il fut poussé accidentellement sous un train, le 27 Novembre 1916, par la foule qui s'était amassée. Ses derniers mots auraient été, d'après la légende populaire, « Ma Femme, ma Patrie »...
Le gouvernement français souhaita faire transférer son corps au Panthéon mais sa famille refusa. Sa dépouille fut placée au cimetière militaire d'Adinkerque puis au cimetière de Wulveringem, à Furnes, dans la Région Flamande et enfin, en 1927, elle rejoignit le village natal de Saint-Amand.
Saint-Amand où fut créé, en 1955, le musée provincial Émile Verhaeren.
Portrait d'Émile Verhaeren par Félix Vallotton (1865-1925), pour le Livre des Masques de Rémy de Gourmont (1898).
J'aime profondément ce poète qui fut à mon programme du bac de français et que j'ai retrouvé ensuite à l'Université.
La Barque est l'un de mes écrits préférés... J'en ai beaucoup d'autres...
Avec de belles et douces pensées, je vous souhaite un excellent début de semaine...